MHR '81
polo la soupape
La première Ducati que j’ai conduite était dans un état comateux : des fils pendaient partout, de l’huile coulait sur la béquille centrale, la selle était trouée, le réservoir enfoncé, le klaxon éteignait le moteur, les Brembo étaient symboliques, sans compter ce tremblement constant … Cette 860GTS m’a fait peur et je l’ai laissée à un autre pour 420 euro de l’époque, c’était en 1979. Gasp !
Mais cette moto avait quelque chose dans le moulin et une sacrée personnalité, ce qui fait que j’ai commencé à m’intéresser aux twins de Bologne. L’année suivante, j’ai acheté une MHR ‘en kit’ suite à une annonce dans le ‘Vlan’. Le type qui m'a vendu la moto avait fait faillite et tout son 'brol' était à vendre : sono, vaisselle, voiture, machine à laver, moto … Il aurait vendu son épouse avec s’il avait pu mais je crois que le pauvre a du la garder.
Bref, me voici avec une brêle en morceaux, complète certes, mais ‘à refaire’. « J’avais commencé à la retaper » me dit-il. Tu parles, Charles ! Je n’y connaissais rien aux italiennes ; me voilà donc en chasse pour trouver manuels et club.
En 1982, trouver un club Ducati n’était pas simple. Rue Belliard à Bruxelles sévissait un petit groupe de fanatiques sous la houlette de Marc Herman, les « Black Soutanes ». Il y avait le Petit Didier, le Lange, la Baguette, etc … Je ne vous dit pas le dépaysement ; à côté d’eux le DCF passerait pour une bande de premiers communiants. Daniel Poirier, ex mécano de Simeon, en faisait alors partie. Il mécaniquait les F1 dont il possédait un modèle magnifique : carbus Malossi, pot Conti course, bras Verlicchi. On sympathise et il me met au travail.
Pièce par pièce, morceau par morceau, tous les soirs en rentrant du boulot, je nettoyais, triais, rectifiais, polissais, ponçais, ajustais … pendant 3 ou 4 mois, tous les soirs, jusqu’au moment où Daniel a estimé qu’on pouvait remonter. Cadre sablé et repeint, peintures refaites, roulements remplacés, moteur vérifié et nettoyé, quelques pièces neuves, bagues, câbles et pneus Metzeler neufs, … bref la totale.
Une fois remontée, avec son carénage tête de fourche (j’avais laissé l’intégral pour une autre fois) j’avoue que j’ai eu un choc tant la beauté simple de cette moto m’a frappé. Rien d’inutile sur cette mécanique : un cadre, deux roues, une selle, un moteur … e basta. Et quel moteur ! Avec ces carbus de 40, et deux Conti rutilants, elle avait fière allure.
5 litres d’essence, autant d’huile et quelques coups de jarret, histoire d’amorcer le bestiau. A toi l’honneur Daniel : au deuxième coup de kick, voilà l’engin qui tousse et finit par ronronner.
Quelques tours de vis aux carbus et voilà installé pour longtemps le polom-pom-pom désormais caractéristique.
Après Daniel, ce fut à mon tour d’effectuer les premiers tours de roue avec angoisse. En effet, je sortais d’une 500 Four qui était un vélo. Ici, premier étonnement : le phare, les compteurs ne bougent pas, l’angle de braquage est digne d’un tank et la première oblige à souvent faire cirer l’embrayage. Qu’importe, le charme a opéré et, encore aujourd’hui, je ressens la même sensation chaque fois que je remonte dessus. La position de conduite me convenait tout à fait avec des petits bracelets Bottelin-Dumoulin.
Lorsque je l’ai achetée, elle avait 18.000km au compteur. Elle en a aujourd’hui 102.000km. J’ai remplacé l’embiellage à 85.000km, une dent de loup, 1 soupape, 2 sièges, 2 guides, 2 pistons, un grand nombre de fusibles, 1 régulateur. Je suis tombé 3 ou 4 fois sans gravité. A chaque fois j’ai pu trouver les bonnes pièces. Au début, Willy Vandenborre faisait l’entretien, puis ce fut le fameux Rob Noorlander à Bettendorf. Quand il a mis fin à ses activité en 2000, j’ai acheté les outils Ducati et j’ai commencé à démonter/remonter « juste pour voir », ce qui m’a permis de la conserver en bon état.
Son terrain de prédilection est la montagne et les grandes courbes. Si vous parcourez les road-books de ce site, je crois les avoir tous fait et même plus. Il y a peu de cols suisses ou français que je n’ai pas faits avec cette moto ! Je garde en mémoire une montée démente du Grimsel, avec Poels et sa 907ie et un type en Suzuki devant qui s’énervait de ne pas pouvoir nous lâcher (si, si). A l’arrivée, il nous a confié « c’est énervant d’entendre ces pots d’échappement dans mon dos ! ».
Je garde aussi le souvenir d’un voyage imprudent où j’ai roulé pendant 21h sans m’arrêter à cause d’une mauvaise lecture de carte. Sans compter ’94 et ’95 lorsqu'elle a gouté le célèbre bitume à Douglas, Ballaugh Bridge, Allen’s Museum, … Je me souviens aussi du premier Ducati do Lemouzi dans un paysage de rêve, de la piste à chaque tour de roue avec un meneur de route en grande forme.
Aujourd’hui, j'avais envie d'une autre aventure. Aussi, j’ai fait l’acquisition d’un 350 Desmo coursifié, ou supposé tel ! Je retrouve encore une fois l’émotion que j’ai connue en ’81 lors de l’achat de ma MHR en contemplant une moto ... en kit où des soirées de travail m'attendent. Mais ceci est autre histoire faite encore une fois d’apprentissage, de démontage, de rectification … et d’amitié.
Polo